L’histoire commence par une visite des centres pénitentiaires des femmes et des hommes de la métropole rennaise dès décembre 2018. Marc Loyon et moi avions photographié les contours de la ville de Rennes et exposé ce travail aux Champs Libres à Rennes. Nous qui avions tourné notre regard vers la densité de la ville et vers l’immensité au-delà de sa rocade, on nous proposait d’intervenir dans le monde clos des prisons.
De mars à juillet 2019, nous sommes allés régulièrement à la rencontre de détenues à la prison des femmes situées dans le centre-ville de Rennes et d’un groupe d’hommes incarcérés au centre de détention de Rennes-Vezin, en périphérie. De ces temps d’échanges et de prises de vue est née une série photographique décrivant la géographie de lieux à l’horizon rompu.
De portiques en sas, de portes en couloirs, nous sommes entrés dans l’intimité de l’enfermement guidés par les détenus devenus, le temps des ateliers, eux aussi photographes, passant ainsi de l’individu observé, surveillé, contrôlé à celui qui regarde. En prison, les murs contiennent les regards, contraignent les mouvements. Ils impactent les corps et imposent les postures. La vie y est rétrécie tandis que le temps s’étire, entre ennui et monotonie.
Entre les murs effrités de la prison des femmes aux allures de couvent, à l’ombre des arcades, sous les voûtes de la chapelle, sur les parquets grinçants des ateliers, ou dans les ailes de béton, dans les couloirs aux surfaces lisses et colorées de la prison des hommes, nous avons saisi les corps, visages cachés et les espaces, vastes ou confinés, toujours fermés. Les pas, les appels et le bruit des clés résonnent pourtant de la même façon dans ces lieux très différents.
Ensemble, nous avons décrit la vie entre parenthèses, où l’intimité n’existe plus, où l’identité est écrouée. Dans ce monde soustrait à la vue, les détenus ont su prendre possession de l’univers carcéral et se l’approprier, au moins visuellement.
Le travail de Marc Loyon est visible sur www.marcloyon.com